Les films TV et les mini-séries.
Depuis quelques années, luvre
de Stephen King semble avoir trouvé une nouvelle dimension dexpression,
à savoir la télévision note
1. Que ce soit It, Les Langoliers
ou Le Fléau, les adaptations TV présentent à
la fois des avantages et des défauts.
La télévision, une solution aux romans-fleuve de King ?
La principale difficulté rencontrée par tout scénariste sattelant à ladaptation de King réside souvent dans lextrême longueur de ses livres. Impossible de faire tenir les 1200 pages dun Fléau, les 1200 pages dun Ça ou les 800 pages dun Tommyknockers en 1 heures 30 2 heures de film. A moins deffectuer des choix, souvent cornéliens. Ainsi Cujo se vide de sa connotation fantastique pour devenir quun modeste thriller de série B. Les livres de King ont un contenu psychologique extrêmement ardu à rendre sur un écran, ou alors au risque de sempêtrer dans des digressions ennuyeuses.
Après léchec commercial de Maximum Overdrive et devant la flopée et la bêtise de productions comme La Créature du Cimetière ou de Running Man, lestampille Stephen King ne savère plus obligatoirement un gage de réussite financière. Pourtant, le Maître de lhorreur garde une aura particulière auprès du public et les producteurs imaginent alors une solution lucrative : transposer King à la télévision. En effet, celle-ci na au premier abord que des avantages :
· avantages financiers évidents. Les budgets de production sont bien inférieurs à ceux du cinéma. De même que lon peut se permettre dengager des acteurs peu connus. Sans compter les retombées publicitaires.
· avantages de diffusion. La télévision touche tous les foyers et, par conséquent, un public qui nest pas susceptible daller au cinéma.
Aussi en 1990, Ça de Tommy Lee Wallace inaugure la carrière des livres de Stephen King à la télévision. Suivent Les Tommyknockers de John Power (1992), Le Fléau de Mick Garris (1993), Les Langoliers de Tom Holland (1995).
La plupart frisant les 4 heures, ils sont donc proposés aux téléspectateurs sous forme de mini-séries. Mais sil existe une caractéristique inhérente à tous ces films TV, cest bien la timidité quils manifestent dans lhorreur. " Pas de gore sur le petit écran ", telle pourrait être la maxime résumant les adaptations de lécrivain à la télévision. Il en résulte des versions édulcorées, aseptisées, coupées des scènes par trop sanguinolentes et choquantes. Bien entendu, les récits de King nont pas la violence de celle dun Masterton ou dune Kathe Koja, mais ils ne sont pas pour autant exempts de noirceur et dhorreur. Dès lors, la censure (souvent inconsciente) qui sévit sur le petit écran nuit plus ou moins à lintégrité de luvre de King.
Dans Ça, les scènes violentes sont volontairement
occultées note2.
Cest dommage car la qualité du film en pâtit. Le suspense
grandit, grandit, grandit pour retomber mollement sans avoir explosé.
Malgré les assertions de Tommy Lee Wallace qui déclare que
" Ça nest nullement un livre gore ", nous, spectateurs,
restons sur notre fin, un peu comme lorsquon mâche un chewing-gum
sans sucre.
Le topo est légèrement différent pour Les Tommyknockers et Les Langoliers. En effet, le roman et la nouvelle dont on a tiré ces deux films TV possèdent une franche connotation de science-fiction. King lorgne délibérément vers limaginaire. Aussi, les scènes dhorreur ou simplement choquantes ont une importance mineure comparées à lhistoire en elle-même.
Le Fléau (1993) est une bonne adaptation de lannuaire que constitue le livre du même titre. Par bonne adaptation, jentends fidèle par rapport au bouquin. En conséquence, Le Fléau version TV est long, ennuyeux, pesant et surtout affligeant par son manichéisme primaire, mais paradoxalement savère lexemple parfait quun roman peut bénéficier dune adaptation honnête et " réussie ".
Le court-métrage.
Au vu de la filmographie de Stephen
King, les plus belles réussites sont sans nul doute les courts-métrages.
A tout seigneur tout honneur, commençons
par Creepshow (1982) qui voit la concrétisation de la rencontre
entre King et Romero. En 1978, King rencontre le cinéaste dont il
est un des plus fervents fans note3.
Ils décident de travailler ensemble sur ladaptation du Fléau
mais la longueur du livre rend le film trop long et trop cher. Les deux
hommes sorientent alors sur Les Vampires de Salem. Hélas,
une fois de plus, le projet échoue lorsque les producteurs abandonnent
le film pour le format TV, Romero refusant de réaliser un téléfilm.
Pourtant, nos deux compères ne désarment pas. Au début
des années 80, ils sentendent pour monter une série dhistoires
macabres dans le plus pur style des Comics. Ainsi naît Creepshow,
petite perle, où les talents des deux hommes saccordent à
merveille. Sur des sketches sans prétention dans lesquels humour
et gore se mêlent, Romero tient la caméra avec virtuosité,
filmant ses acteurs avec rythme et dans une débauche de couleurs
éclatantes. Ces dernières font de Creepshow une uvre
unique à mi-chemin entre la BD et la caricature. Les histoires sont
simples et cest justement cela qui fait mouche. Aucune surcharge scénaristique
ne vient entraver le travail du réalisateur. La Mort solitaire
de Jordy Terril est sans nul doute le plus abouti des cinq sketches.
Stephen King, pour sa première expérience dacteur, campe
le plouc américain par excellence, un paysan bouseux et débile
qui se voit progressivement recouvert dune végétation mystérieuse
à la suite de la chute dune météorite. Expérience
qui a ravi King qui confesse la difficulté quil a éprouvé
pour ce rôle :
"Je ne savais trop comment aborder ce fermier. George me demandait une caricature de paysan arriéré et non un personnage réaliste."
Les autres histoires sont tout aussi délectables et croustillantes. Dans Un truc pour se marrer, un mari trompé se voit harcelé par sa femme et son amant quil a assassinés, revenus sous la forme de morts-vivants. La Fête des pères met en scène un zombi décimant toute sa famille pour manger son gâteau danniversaire. La Caisse montre un professeur duniversité supprimant son épouse acariâtre à laide dun monstre mystérieux et carnivore. Une mention spéciale pour Ça grouille de partout, véritable petit bijou, où un vieil homme daffaires maniaque et misanthrope voit son appartement envahi de cafards.
Fort du succès de Creepshow, George Romero produit Creepshow 2 (1987). Même si la réalisation de Michaël Gornick est fade par rapport à celle de Romero, les trois histoires (daprès Stephen King) gardent assez de causticité, dhumour et de simplicité pour maintenir lintérêt.
Au rang des "copies" de Creepshow, il faut noter Cats Eye où les trois histoires sont filmées, certes avec bonheur par Lewis Teague, mais elles souffrent dun manque de souffle et de rythme hormis peut-être The Ledge dans laquelle un homme ayant fricoté avec la petite amie dun malfrat se voit contraint par celui-ci de faire le tour dun gratte-ciel sur une minuscule corniche située au dernier étage. Mais ici, pas question de fantastique, mais plutôt de suspense.
Darkside, Contes de la Nuit noire de John Harrison ne mérite quune brève citation car, dune part il ne contient quun sketch daprès Stephen King (Le Chat de lenfer) et, dautre part, ladaptation (faite par Romero sil vous plaît) est plus que très conventionnelle et banal. On est très loin de Creepshow
Enfin terminons par les courts-métrages pour la télévision. Ils ne sont pas légion et sont pour la plupart trop "aseptisés" afin de satisfaire le désir du public. Néanmoins, il convient de citer Gramma, épisode de la série La Cinquième Dimension réalisé par Bradford May et surtout scénarisé par lécrivain Harlan Ellison. Gramma constitue la plus belle réussite dadaptation de King dans la catégorie du court-métrage.
Conclusion.
Existe-t-il un format cinématographique
idéal à lunivers de King ? Faute dune réponse précise,
le mérite de cette mini-étude aura été davoir
posé les bases dune réflexion sur le sujet. Quoiquil en
soit, il est clair que les pavés du Maître ne saccommoderont
que de films TV de plusieurs heures et de deux ou trois parties tandis
que les nouvelles sinséreront facilement dans le cadre dun court-métrage
dune vingtaine de minutes, au risque, pour les premiers, de séterniser
en longueur, et pour les seconds, de manquer de relief et de profondeur.
Pourtant, toute adaptation peut savérer une réussite à condition que luvre de King soit comprise par le scénariste et magnifiée par le réalisateur. Et cest peut-être là que le bât blesse, et non dans le choix du format
note 1 : J'ai mis de côté Les Vampires de Salem, sorti en 1979, car il est connu en Europe uniquement dans sa version cinéma.
note 2 : Dès que le clown commet un meurtre, la caméra filme un plan-écart, laissant entendre les cris de terreur et de douleur des victimes.
note 3 : King considère Zombie comme le meilleur film d'horreur de tous les temps.